Sénégal : comment Macky Sall a allumé un feu qui risque de l’emporter ?

Tout le monde a applaudi le président Macky Sall lorsqu’il avait décidé de ne pas se présenter pour un troisième mandat dans son pays. Les Sénégalais devaient se rendre aux urnes le 25 février 2024 pour élire leur nouveau président. C’est alors que Macky Sall surprend en annonçant le report de l’élection présidentielle. Un report que rien ne justifie.

Selon la Constitution sénégalaise, à la fin du mandat du chef de l’État sortant, c’est le 2 avril qu’un président élu doit entrer en fonction. Jusque-là, le Sénégal était connu en Afrique pour être un pays de démocratie qui respecte les délais de ses cycles électoraux. En reportant la présidentielle au-delà du délai constitutionnel, Macky Sall porte un coup fatal à la dernière démocratie francophone d’Afrique de l’Ouest.

Il est clair qu’à défaut de se présenter pour un troisième mandat, le chef de l’État sénégalais cherche à faire durer son plaisir au pouvoir en gagnant quelques mois supplémentaires. Mais là, il allume un feu qui risque de l’emporter, car les Sénégalais ne sont pas prêts à le laisser tuer leur démocratie. C’est ce qui explique toutes ces manifestations de protestation dans le pays. Manifestations réprimées dans le sang.

Un dialogue avant la présidentielle ?

On espérait voir Macky Sall quitter le pouvoir la tête haute, avec honneur, et l’Afrique allait être fière de lui. Mais il a tout gâché à la fin. Le coup qu’il vient d’opérer va certainement faire jurisprudence ; et le Sénégal se range au nombre de ces républiques bananières et autocratiques comme il y en a de plus en plus en Afrique de l’Ouest. « J’engagerai un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive », a laissé entendre le président sortant.

Mais un dialogue pour quoi faire ? Et ce serait le quantième dialogue ? Car, il y en a déjà eu un en 2023. Ce que les Sénégalais réclament ce sont les élections et non le dialogue. Macky Sall ne devrait pas oublier que c’est lui qui a créé toutes les conditions de crise politique au Sénégal en réprimant violemment les manifestations de l’opposition, en coupant Internet, en instrumentalisant la justice et en mettant en prison son plus grand rival Ousmane Sonko. Il est allé jusqu’à faire dissoudre le parti de l’opposant. Aujourd’hui, voyant s’approcher son départ du pouvoir, il orchestre des manœuvres dilatoires pour se maintenir.

Qu’est-ce qui empêche le président d’organiser la présidentielle le 25 février ? Sans doute qu’il s’est rendu à l’évidence que son dauphin désigné n’avait aucune chance de gagner… Dans ce cas, c’est quoi la stratégie ? Rebattre les cartes ?

Quoi qu’il arrive, Macky Sall joue un jeu dangereux qui prête le flan à des pêcheurs en eaux troubles et à des tentatives de coups d’État. Il sera tenu pour responsable de tout scénario catastrophe qui pourrait découler de son refus d’organiser le scrutin dans le délai. Quelle différence aujourd’hui entre le Sénégal et les régimes comme celui du Mali où la junte a également reporté sine die l’élection présidentielle qui était prévue ce même mois de février 2024 ?

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