Vers une stratégie commune de lutte contre les messages de haine en Afrique centrale
« A fléau transnational, concertations transnationales pour une solution régionale ». Cette phrase de l’exposé du professeur Charly-Gabriel Mbock résume parfaitement l’objectif du forum régional pour le développement d’un projet de stratégie régionale et de plan d’action pour la prévention et la lutte contre les discours de haine en Afrique centrale, tenu à Kinshasa du 21 au 24 juin 2022.
Durant quatre jours, les participants ont cogité pour produire un document qui sera soumis au forum des ministres de la Communication des Etats membres de la CEEAC. Il a été question, au cours de ces assises, d’identifier les germes de messages de haine et de proposer à la fois des solutions préventives et curatives.
L’anthropologue camerounais Charly-Gabriel Mbock a défini la haine comme « une pulsion qui pousse à une action dont l’objectif est de détruire ». Pour lui, aucun homme ne nait haineux, mais tout le monde peut le devenir.
« La haine est un produit social, elle n’est pas innée », a insisté ce professeur des universités, proposant par la même occasion à l’assistance de « prendre le contrepied du discours de haine en promouvant la convivialité ». Parmi les germes de la haine, le schéma colonial de gouvernance a été cité comme socle, alors que la haine elle-même découle souvent d’une crise sociale mal gérée.
Député national, le professeur Gary Sakata est d’avis que l’adoption des politiques tendant à améliorer l’éducation peut permettre de prévenir les discours de haine à l’avenir. Le député de la RDC a proposé une « législation communautaire hardlow contenant des mesures restrictives sur les discours de haine et ayant un effet direct sur les pays de la CEEAC ».
Quid du discours de haine ?
Selon le Plan d’action de Rabat, un discours de haine est jugé suivant son contexte, son orateur, la forme de son expression et son contenu. Il s’agit en fait de toute forme de communication verbale, gestuelle ou écrite par laquelle on s’attaque à autrui en raison de son identité. Ils sont souvent utilisés pour inciter à des pratiques violentes et hostiles.
Dans son intervention, le professeur Jean-Louis Esambo a successivement identifié le soubassement, les acteurs ainsi que les moyens de la haine avant de proposer une thérapie. Si l’environnement socio-économique et le contexte politique servent très souvent au lit de la haine, le professeur Esambo a cité les acteurs politiques, médiatiques et religieux comme étant les plus susceptibles à diffuser ou inciter à la diffusion des messages de haine notamment à travers des rassemblements, mais également les médias.
Pour y remédier, il a proposé de miser sur l’éducation pour prévenir, mais aussi revisiter les textes existants et adopter des nouveaux pour réprimer plus sévèrement cette pratique.
Les instances de régulation impuissantes vis-à-vis des réseaux sociaux
S’agissant des responsables des instances de régulation de la RDC, du Congo, du Gabon, du Burundi, de la RCA, du Cameroun et du Tchad, il est établi que les réseaux sociaux échappent encore à leur censure alors que la situation semble sous contrôle pour les médias traditionnels. « Les médias sociaux constituent le nid idéal pour la propagation des rumeurs et des fakenews. Très souvent, ceux qui partagent ces fakenews ne se rendent pas compte qu’ils participent à une campagne de désinformation », a regretté l’ambassadeur Vestine, représentante de l’instance de régulation du Burundi.
Elle a proposé l’introduction des notions de prévention et de lutte contre les messages de haine dans les programmes scolaires des pays de la sous-région.
En définitive, toutes les parties ont adopté un projet de stratégie régionale qui sera soumis au prochain Forum des ministres de la Communication de la CEEAC. L’étape de Kinshasa a permis de conclure un long marathon débuté l’année passée au Cameroun avant la deuxième étape tenue à Bangui en avril dernier.
Ce forum de Kinshasa a été rendu possible grâce à l’Unoca et la CEEAC, avec le concours de plusieurs autres partenaires. Il a connu la participation, outre des instances de régulation, des journalistes, des blogueurs et d’autres parties prenantes dans la chaine de production et de consommation des discours de haine.
Dandjes Luyila