Cinq choses pour mettre fin à la haine ethnique en RDC
L’une des forces que doit avoir un pays c’est son unité. Non seulement l’unité en termes d’indivisibilité du territoire, mais surtout l’unité d’esprit de ses habitants. Hélas, la RDC est tellement divisée par la haine entre ses ethnies. Cela compromet le vivre-ensemble. Voici cinq choses à faire pour juguler la haine ethnique en RDC.
1. Inculquer l’amour d’autres ethnies dans l’enfant dès le toit familial
Qu’on le veuille ou non, en RDC la haine ethnique tire son origne dans nos familles et dans les milieux dans lesquels nous grandissons. Lorsque dans une famille congolaise on dit à un enfant qu’un Tutsi Munyamulenge n’est pas un Congolais, un Muluba est un vantard, un Muyaka est un domestique, un Katangais est un soulard, etc. Que voulez-vous que l’enfant retienne quand il va grandir ? Il aura cette mentalité jusqu’à sa mort. Nous devons lutter contre les discours de haine depuis nos familles.
Je me souviens une fois à Kinshasa, un ami d’une province dont je tais le nom, m’a dit : « Mes parent m’ont dit quand j’étais enfant de ne jamais prendre en mariage une femme Luba ! » Je lui ai posé la question de savoir la raison d’une telle interdiction. Il a dit : « Je ne sais pas. Eux-mêmes ne m’ont pas expliqué. » Et il a ajouté : « Mes parents m’ont dit aussi qu’un Muluba ne deviendra jamais président de la République ! » Et voilà ! Il a été endoctriné comme ça. Sa pensée est déjà configurée comme cela.
Le gouvernement devrait lutter contre la haine par des actions impliquant le toit familial où l’enfant congolais grandit.
2. Cultiver l’amour de la patrie et non de l’ethnie ou des intérêts
Aimer son ethnie n’est pas mal. Mais lorsque l’amour de son ethnie se fait au détriment de l’amour de la patrie, alors il y a un problème. Dans plusieurs provinces de la RDC, il existe des slogans très dangereux qui nuisent à l’unité nationale. C’est par exemple : Katanga ni yetu (le Katanga est à nous), bantu ba bisamba (les non-originaires), de père et de mère…
De tels slogans repoussent d’autres citoyens et empêchent la construction d’un esprit national. Par contre il existe de bons slogans qui n’ont rien à voir avec la haine. C’est par exemple : Lubumbashi Wantanshi, Kin la Belle, Kasaï wa Balengela, Goma c’est Paris, etc.
Le gouvernement doit impulser une dynamique nationale qui encourage beaucoup plus l’attachement à la patrie qu’à une ethnie, une province ou des intérêts. Qui n’a pas été choqué en voyant la vidéo où des Congolais déchiraient et brûlaient le drapeau de la RDC devant les caméras simplement parce qu’ils ont des divergences politiques avec le régime en place à Kinshasa ? Peut-on imaginer un Américain faire cela du drapeau américain ?
3. Mettre fin aux inégalités économiques entre les provinces
Le Congo est un pays immensément riche, mais la répartition de ses richesses n’est pas équitable. La caisse nationale de péréquation prévue par la Constitution pour équilibrer les inégalités entre les provinces peine à se concrétiser. Conséquences : les ressortissants des provinces pauvres ont tendance à émigrer en masse vers les provinces supposées riches. En effet, cela crée un sentiment d’invasion dans les provinces d’accueil. Les exemples sont légion.
En guise d’exemple : les Kasaïens. Oubliés depuis l’indépendance par le gouvernement central en matière d’infrastructures, d’électricité, d’eau potable, de développement économique et d’emplois, ils n’ont eu d’autre choix que d’émigrer là où la vie est aisée, notamment à Kinshasa, à Lubumbashi ou en dehors du pays. Cet exode massif a engendré la haine et le mépris contre les ressortissants du Kasaï.
Pourtant, il y aurait eu moins d’exode si le gouvernement avait favorisé le développement au Kasaï. Le diamant du Kasaï a servi beaucoup plus Kinshasa que le Kasaï.
4. Respecter la représentativité des ethnies dans les institutions
Dans un pays vaste comme la RDC avec près de 450 ethnies, la représentativité dans les institutions n’est pas facile à respecter. Mais il faut un effort pour assurer le minimum acceptable. Il faut éviter par exemple que le président de la République ne soit pas d’une même région pendant plus de deux mandats. A travers Mobutu, les ba Ngala sont restés au pouvoir pendant 32 ans. Les Katangais ont géré le Congo pendant 21 ans à travers les 2 Kabila.
Au Congo, chaque fois que quelqu’un est au pouvoir, les gens les plus représentés dans les institutions sont ceux de son ethnie ou de sa province. Du coup, cela engendre des frustrations qui à leur tour entraînent la haine contre l’ethnie au pouvoir. Surtout si l’alternance n’est plus possible à deux mandats consécutifs.
En plus, l’ethnie ou la province au pouvoir a tendance à se considérer comme supérieure à d’autres. N’a-t-on pas entendu des termes du genre : « Province ou famille présidentielle ? » C’était le cas sous Mobutu, Kabila et aujourd’hui sous Tshisekedi.
Le gouvernement et les autres institutions doivent être les plus représentatifs possible de différentes composantes de la population. Cela est très important pour garder l’équilibre national. Ainsi, les institutions ne seront pas tribales, mais nationales.
5. Promouvoir la culture et les langues de nos ethnies
La culture est une richesse historique d’un pays. L’Etat congolais devrait valoriser la diversité culturelle, ethnique et linguistique du pays : par le théâtre, la musique, les œuvres d’art, etc. Cela n’est pas à confondre avec l’ethnicisme ou le tribalisme. La diversité ethnique devrait être une force et non motif de division.
Une ethnie qui s’estime marginalisée dans la politique du pays ne peut que nourrir des sentiments de haine contre les ethnies ou les langues privilégiées.
Il y a lieu d’ériger un musée culturel dans chaque province. Instituer par exemple la « semaine des ethnies et langues congolaises » à célébrer chaque année à une date précise. Cette semaine devra comprendre une série d’activités visant à pousser les citoyens à aimer et à respecter les langues et les ethnies congolaises. Cela aura comme impact pour les citoyens de mieux se connaître, s’accepter et donc se tolérer comme nation.
Jean-Hubert Bondo