Rapport 2021 d’observation des discours de haine en RDC
En 2021, Africa sans haine a documenté 13915 discours de haine en ligne en République démocratique du Congo. Retrouvez une synthèse de notre rapport annuel dans cet article. Nous nous sommes focalisés sur quelques sites web et les réseaux sociaux tels que Twitter, Facebook, You Tube et WhatsApp.
Africa Sans Haine considère comme haineux, violents ou dangereux les messages tels que :
- Les appels aux meurtres ;
- L’incitation à la haine ethnique ;
- La xénophobie ;
- L’apologie de la violence et des crimes ;
- Les injures et diffamations ;
- Les appels à la dislocation du pays ;
- Les propos sexistes ;
- Les animalisations ;
- Etc.
Des discours nocifs pour l’unité du pays
Notre observation a permis d’identifier :
- 6200 discours haineux ou dangereux (posts, commentaires, émojis) sur Facebook contre 3647 sur Twitter et 57 sur les chaines You Tube ;
- 4011 dans les commentaires au bas des articles des sites web. Ce qui fait un total de 13915 discours de haine en 2021.
Nous en avons identifié les auteurs en enregistrant les liens et en prenant des captures d’écran comme preuves.
90 % de ces messages haineux sont liés aux événements ou enjeux politiques dans le pays. Dans la plupart des cas, les discours ont pour soubassement la haine ethnique. Il y a lieu de craindre l’amplification des messages à caractère ethnique et xénophobe à l’approche des élections de 2023.
Pendant une année, nous avons répertorié de tels discours sur des sites web, mais aussi des pages, groupes, profils et comptes des internautes congolais ou des organisations sur les réseaux sociaux. Ces discours de haine, associés aux conflits armés et aux rivalitéss entre leaders politiques, sont les principaux facteurs qui nuisent à l’unité de la RDC. Ils amplifient les préjugés, les clichés et les stéréotypes entre communautés.
Les réseaux sociaux pollués par les discours de haine
Au delà de leur importance indiscutable, les réseaux sociaux sont devenus un véritable problème de société en RDC. C’est la dedans que vous trouvez les injures, l’immoralité, la diffamation, les fake news, la désinformation, les réglements de comptes…
En 2021, plusieurs Congolais se sont plaint de la tournure que prennent les réseaux sociaux en RDC. Certains nous disaient avoir quitté Facebook pour fuir les discours de haine, mais étaient très déçus de retrouver les mêmes discours sur Twitter, Instagram et d’autres réseaux sociaux. Si bien que certains préfèrent ne plus trop exposer leurs opinions sur les réseaux sociaux.
Sur Facebook, certains groupes, pages et profils n’ont pour contenu que les discours de haine, l’appel à la violence et les injures. Les internautes qui propagent ces discours le font souvent en soutien à des leaders politiques de leurs ethnies ou de leurs zones linguistiques.
La politique principale cause de discours de haine
Tout au long de l’année 2021, Africa sans haine a observé particulièrement des groupes, pages, profils Facebook et comptes Twitter où interviennent des internautes congolais respectivement partisans de :
- Félix Tshisekedi ;
- Jean-Pierre Bemba ;
- Joseph Kabila ;
- Martin Fayulu :
- Moïse Katumbi ;
- Vital Kamerhe.
(Noms classés selon l’ordre alphabétique). On a noté un fanatisme tribal aveugle des internautes selon qu’ils sont de la même ethnie ou province de chacune des ces personnalités politiques et on se « tire dessus » à bout portant.
La majorité de discours haineux ont tourné autour des sujets ci-après :
- Les divergences et rivalités des leaders politiques au sein de la plateforme Union sacrée ;
- La loi Tshiani sur la congolité ;
- La taxe RAM ;
- La Céni ;
- Les multiples voyages du président Tshisekedi à l’étranger ;
- Les rivalités ethniques entre Kasaïens et Katangais dans l’espace grand Katanga ;
- La congolité des Banyamulenge ;
- L’état de siège décrété en Ituri et au Nord-Kivu ;
- Etc.
Nous avons observé que l’expression de la haine est parfois plus assumée dans les langues congolaises, notamment le swahili, le kikongo, le lingala et le tshiluba. Si certains de ces messages sont exprimés en langues nationales, c’est parce qu’ils permettent d’affirmer l’argument identitaire et ethnique de ceux qui les diffusent.
L’argument ethnique plus fort que l’attachement à la patrie
Nous avons noté certains discours haineux sur fond de revendications sécessionnistes dans des provinces comme le grand Katanga, le grand Kasaï et dans une moindre mesure le Kivu. De ces messages, transparaissent les rivalités entre tribus ou provinces, rivalités souvent instrumentalisées par des leaders politiques.
Parmi les ethnies visées par les messages de haine figurent les Kasaïens, les Banyamulenge, les Katangais, les Bayaka, les Tetela, etc. Comme nous l’avions déjà relevé dans d’autres rapports, les espaces Kasaï, Kivu et grand Katanga passent pour la zone rouge de discours de haine ethnique et de xénophobie.
Les Banyamulenge et d’autres communautés du Sud-Kivu, mais aussi les Kasaïens et les Katangais sont régulièrement l’objet sur les réseaux sociaux de menaces, appels aux meurtres, animalisation, appels à chasser les non-originaires…
Groupes et pages Facebook
La forte audience sur Facebook attire la grande majorité des internautes haineux. Ils distillent leur haine par des posts ou des commentaires sur des groupes et des pages dont certains comptent plus de 50 000 followers. D’autres internautes profitent du fait qu’ils appartiennent à plusieurs pages pour répandre leurs messages toxiques afin d’atteindre un plus grand nombre de gens connectés.
Ce qui fait qu’on peut retrouver un même message haineux posté par un même internaute sur quatre, cinq, six groupes ou pages. Beaucoup de ces espaces ne font pas la modération de leurs contenus. Conséquences : ce sont des espaces qui grouillent de messages toxiques, désinformations et fake news.
Cependant, nous avons noté une baisse de discours de haine sur Facebook au cours du dernier trimestre de l’année 2021. Ce qui est une bonne chose. Et cette tendance semble se maintenir en ce début de l’année 2022.
Toute publication n’est pas haineuse
Nous faisons remarquer que certaines publications ne sont pas haineuses en soi, mais nous les avons comptabilisées à cause des commentaires et emojis haineux qu’elles ont générés. En d’autres termes, un post peut ne pas être lui-même haineux, mais entraine des réactions et des commentaires haineux.
Pour ne pas exposer les gens, nous nous sommes interdit de publier ici dans cette synthèse de notre rapport annuel les liens et les captures d’écran des auteurs des discours de haine. Néamoins, nous les conservons dans notre banque de données.
Rapport version PDF
Africa Sans Haine