En RDC, la satire n’est pas un sujet de plaisanterie
Le 10 février, des agents de sécurité du gouvernement ont arrêté l’humoriste satirique Junior Nkole dans le centre de Kinshasa, lors de la dernière attaque en date contre la liberté d’expression en République démocratique du Congo.
Les proches de Junior Nkole ont confié à Human Rights Watch que lui et son frère Serge Nkole attendaient pour une réunion avec un contact professionnel dans le restaurant de l’Hôtel Mayotte. Vers 10 heures du matin, dans ce qui semble avoir été un piège, une douzaine d’hommes en civil, qui se sont avérés être des agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR) de la RD Congo, se sont présentés. Ils ont brutalisé les deux hommes, les ont forcés à monter dans un 4×4 aux vitres teintées et les ont emmenés dans un bureau de l’ANR. Les autorités ont libéré Serge quelques heures plus tard, mais Junior est toujours détention.
Junior Nkole, 25 ans, semble être détenu en raison de son travail. Il est connu dans tout le pays pour ses vidéos qui dépeignent les réalités socio-économiques de la société congolaise. Actif sur les réseaux sociaux depuis 2020, il a accumulé plus de 300 000 abonnés. Les agents de l’ANR ont suggéré à un membre de sa famille que son arrestation était liée à un court sketch vidéo posté il y a un an et qu’ils considéraient comme insultant pour le président Félix Tshisekedi. Le sketch dénonçait le favoritisme ethnique (tribalisme) des recruteurs, qui n’engagent que des candidats issus de leur propre région et groupe ethnique. Dans la vidéo, Nkole – lui-même de l’ethnie Luba, comme le président Félix Tshisekedi – se fait passer pour un recruteur Luba qui rejette les candidats d’autres communautés.
Un autre frère de Junior, Pascal Nkole, lui a rendu visite à « 3Z », une prison tristement célèbre de l’ANR où il avait été transféré, près d’une semaine après son arrestation. « J’ai été autorisé à le voir sans lui parler », a déclaré son frère. « Il avait perdu du poids et son œil gauche était gonflé et rouge. Il semblait avoir de la fièvre et ne pouvait pas marcher correctement. Je lui ai demandé s’il allait bien, et il a juste secoué la tête. Je ne l’ai pas revu depuis ».
En vertu du droit congolais, toute personne détenue a le droit de recevoir une aide juridique et doit être traduite devant une autorité judiciaire compétente dans les 48 heures suivant son arrestation. Nkole n’a été autorisé ni à l’un ni à l’autre, et n’a été inculpé d’aucun crime.
Le cas de Nkole met en lumière le climat d’intolérance croissante à l’égard des voix dissidentes en RD Congo, avec des attaques visant des journalistes, activistes, critiques du gouvernement et manifestants pacifiques. Les autorités devraient libérer immédiatement Junior Nkole et lui permettre d’exercer sa profession et d’exprimer ses opinions sans crainte d’être arrêté. Alors que la RD Congo se prépare pour les élections prévues à la fin de l’année, le gouvernement devrait garantir le respect des libertés publiques, composantes essentielles d’un processus électoral libre, équitable et transparent.
Retrouvez cet article sur le site de Human Right Watch en cliquant ici.