RDC : lynchage d’un soldat dans un cas de crime de haine
(Goma) – Une foule a lynché un officier de l’armée dans la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, dans un cas manifeste de haine ethnique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement congolais devrait poursuivre de manière appropriée toutes les personnes impliquées et prendre des mesures plus larges pour endiguer la violence ethnique dans le pays.
Le 9 novembre 2023, un groupe de personnes a attaqué le lieutenant Patrick Gisore Kabongo, 42 ans, un Munyamulenge, Tutsi congolais de la province du Sud-Kivu, qu’ils accusaient d’être un combattant du M23 en raison de son apparence physique. De nombreuses personnes en RD Congo considèrent la communauté tutsie comme des partisans du M23, un groupe rebelle responsable d’abus et soutenu par le Rwanda, qui a refait surface à la fin de l’année 2021.
« Le lynchage du lieutenant Kabongo est un cas manifeste et flagrant de violence motivée par la haine », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur la République démocratique du Congo à Human Rights Watch. « Le gouvernement congolais a condamné le meurtre et ouvert une enquête, mais il devrait également prendre des mesures pour lutter contre la violence ethnique croissante dans le pays ».
Dans une vidéo largement partagée, on peut voir une foule encercler Patrick Gisore Kabongo, qui se tient debout, le visage couvert de sang. Un autre soldat de l’armée gouvernementale semble tenter, en vain, de dissuader la foule de s’en prendre à Kabongo. La voix du soldat qui intervient est inaudible, noyée par la foule qui scande : « Nous allons le brûler ! ».
Dans une autre vidéo, Patrick Gisore Kabongo gît au sol, agonisant, au milieu d’une rue, tandis que la foule lui jette des pierres. Un jeune homme s’approche et le gifle. On peut entendre des voix qui implorent de le laisser tranquille, tandis que d’autres l’accusent d’être originaire du Rwanda.
« Quand je suis arrivée, il était encore vivant mais couvert de sang et il avait un pneu autour du cou et un autre autour des jambes : je pense qu’ils voulaient le brûler », a déclaré la belle-sœur de Kabongo à Human Rights Watch. « J’ai commencé à crier qu’il n’était pas du M23 mais les gens ne voulaient rien écouter et certains se sont retournés contre moi… ils ont commencé à crier et m’ont suivie, j’ai alors pris un moto-taxi pour m’amener loin parce qu’ils voulaient [me] tuer ».
Le 11 novembre, l’armée congolaise a déclaré qu’elle « regrettait la mort d’un de ses éléments » et que « deux suspects » avaient été arrêtés. Le même jour, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a confirmé que Patrick Gisore Kabongo avait été tué en raison de son « faciès » et a déclaré que le président Félix Tshisekedi « [avait] fermement condamné cet acte ignoble ».
Une source judiciaire et un leader communautaire tutsi ont affirmé qu’un soldat de l’armée et quatre civils avaient été arrêtés. Toutefois, trois semaines plus tard, l’enquête est au point mort et personne n’a été inculpé, ni poursuivi en justice.
Selon des membres de sa famille, Patrick Gisore Kabongo avait été enrôlé dans l’armée congolaise en 1997 en tant qu’enfant soldat. Il avait été blessé à vie au bras droit lors de la première offensive du M23 en 2012 et avait depuis été officiellement reconnu par l’armée congolaise comme un blessé de guerre qui ne pouvait plus être envoyé au combat.
Human Rights Watch a précédemment documenté plusieurs cas de personnes issues de la communauté tutsie ou simplement perçues comme étant des Tutsi ou des Rwandais qui ont fait l’objet d’hostilité, de menaces et d’attaques de milices ethniques qui combattent le M23 ainsi que des communautés qu’elles prétendent représenter. Ces cas incluent des attaques contre des agriculteurs tutsis et leur bétail, et nombre d’arrestations à caractère raciste.
Human Rights Watch a depuis reçu d’autres informations crédibles selon lesquelles, au cours de l’année écoulée, les autorités congolaises ont arrêté arbitrairement des dizaines d’hommes et de femmes tutsis accusés de collaborer avec le M23, simplement en raison de leur appartenance ethnique. Ces personnes seraient toujours détenues à Goma, à Bukavu et à Kinshasa.
« Nous sommes fatigués de ces cas de personnes maltraitées à cause de leur morphologie », a déclaré le même leader de la communauté tutsi.
Les autorités devraient enquêter de manière impartiale sur les cas présumés de personnes arrêtées uniquement du fait de leur appartenance ethnique et les libérer immédiatement sans inculpation, a déclaré Human Rights Watch.
Entre février et avril, des Tutsis congolais ont été victimes de violences et de discriminations au cours du processus d’enrôlement des électeurs en raison de leur appartenance ethnique. Les élections étant prévues pour le 20 décembre, les autorités devraient veiller à ce que tous puissent voter sans crainte de discrimination ou d’intimidation pour des motifs fondés sur l’appartenance ethnique, a déclaré Human Rights Watch.
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