RDC : des gouverneurs et des sénateurs élus par l’argent
Le lundi 29 avril 2024, la République démocratique du Congo organisait les élections des sénateurs et des gouverneurs des provinces. Alors que l’on espérait des scrutins transparents et démocratiques, c’est malheureusement la puissance des billets verts qui l’a emporté. L’argent a énormément circulé pour acheter les voix des grands électeurs que sont les députés provinciaux.
Si dans certaines provinces ces élections se sont plus ou moins bien déroulées malgré des soupçons de corruption, dans plusieurs autres, les grands électeurs se sont rempli les poches avec de l’argent de pots-de-vin offert par les différents candidats. Une situation dénoncée par plusieurs médias et organisations de la société civile.
Des témoignages qui font froid dans le dos
Certains proches des candidats sénateurs et gouverneurs contactés par Africa Sans Haine ont a affirmé avoir été trahis par des députés électeurs à qui ils avaient donné des pots-de-vin pour voter pour leurs candidats, mais qui ont voté pour quelqu’un d’autre. Nous ne pouvons mentionner leurs noms pour des raisons de sécurité. Il y a par exemple cette vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux et dans laquelle une candidate s’en prend violemment à un député provincial; exigeant qu’il lui rembourse ses 10 000 dollars américains de corruption parce qu’il n’a pas voté pour elle.
Ce qui est vrai c’est que lors de ces élections, ce sont les candidats les plus offrants en termes de billets verts qui se sont fait élire. Les discours-programmes et les projets de société ne comptaient pas. L’argent et les promesses de biens matériels (tels que les parcelles) ont circulé même en pleine séance d’élections.
Voici un témoignage de quelques proches des candidats sénateurs dont nous taisons les noms : « Nous avons entretenu ces députés pendant près de trois mois. Que ce soit à Kinshasa ou dans leurs provinces. Certains ont touché chacun entre 50 000 et 120 000 dollars américains pour donner leurs voix. Les fonds venaient de Kinshasa pour les grands partis politiques, mais aussi de certains hommes d’affaires. Ils (députés électeurs) se sont vraiment enrichis, car il y avait des fonds pour l’élection des sénateurs et d’autres pour celle des gouverneurs. Ils ont déjà gagné leur vie ! »
Tout, sauf une élection !
Les candidats sénateurs ou gouverneurs sont imposés par les autorités morales des partis politiques, en particulier le parti au pouvoir. Les autres candidats qui ont tenté d’y aller par eux-mêmes ont reçu de graves menaces qui ont poussé certains à renoncer. En 2019 par exemple, un proche du parti au pouvoir lançait ce message à la population : « Tout député provincial qui refusera de voter pour le candidat gouverneur désigné par notre parti, allez chez-lui et brûlez tout ! » Presque le même type de menaces s’est fait entendre également aux élections du 29 avril 2024.
Dans certaines Assemblées provinciales, les témoins des candidats ont été exclus de la séance de dépouillement des votes. Ce scénario explique tout sur la manière dont les scrutins ont été manipulés par la puissance de l’argent et les influences politiques. Des contentieux sont en cours dans les cours et tribunaux. Mais d’une justice congolaise que le président Félix Tshisekedi a déjà lui-même qualifiée de « malade », on ne peut espérer grand-chose. Car, l’argent continue à circuler.
Ce phénomène de corruption généralisée dans le processus d’élections des sénateurs et des gouverneurs des provinces ne date pas d’hier. Il a toujours entaché ce type de scrutins en RDC. On espérait voir les choses changer sous le régime de Félix Tshisekedi (lui-même un ancien opposant), mais en vain. Le système mis en place est tel que personne ne peut empêcher la corruption de grands électeurs. Pour remédier à cette situation, il faut que les sénateurs et les gouverneurs des provinces soient élus directement par la population et non par les grands électeurs qui sont faciles à corrompre.
ASH