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Grand Katanga, là où la haine contre les Kasaïens est une culture

L’histoire le prouve : de toutes les ethnies du Congo, la seule qui n’est pas la bienvenue au Katanga ce sont les Luba du Kasaï. A chaque enjeu politique d’envergure -par exemple à l’occasion des élections-, les Kasaïens paient un lourd tribut au Katanga. Ils sont souvent pris à partie, victimes d’une haine sans commune mesure. Cette situation a dépassé les limites du tolérable.

La réélection de Félix Tshisekedi à la présidentielle du 20 décembre 2023 a réveillé les vieux démons. Des familles de Kasaïens ont été expulsées de leurs domiciles à Luena dans le Haut Lomami avec ordre de quitter immédiatement le Katanga pour retourner au Kasaï. Mais c’en est trop quand-même ! Et pourquoi seulement les Kasaïens ?

Capture d’écran :

Dans cette vidéo, un groupe de Katangais appellent à prendre des machettes et armes blanches pour descendre dans la rue et même tuer les Kasaïens si Félix Tshisekedi est réélu.

Chers Katangais, arrêtez cette haine ! Quel que soit tout ce que vous pouvez reprocher aux Kasaïens, ils restent vos frères et sœurs, vos compatriotes, avec leur différence. Vous êtes fils et filles d’une même nation. Privilégiez la paix ! Réglez vos différends autour d’une table.

Motif : les Tshisekedi…

Décidément, chaque victoire électorale des « Tshisekedi » suscite une levée de boucliers contre les Kasaïens vivant au Katanga. Ce fut le cas en 1992, lorsque l’opposant « historique » Étienne Tshisekedi fut élu pour la première fois Premier ministre du Zaïre par la Conférence nationale souveraine. A l’époque, des leaders katangais instrumentalisèrent leurs populations pour chasser du Katanga des centaines de milliers de Kasaïens. Ce pogrom avait causé plus de 100 000 morts kasaïens. Ce fut le premier génocide des années 90 en RDC. Des crimes répertoriés même dans le rapport Mapping.

En 2019, lorsque Tshisekedi fils est élu président de la République, il s’en est suivi beaucoup de contestations et de discours de haine. Mais les velléités de chasser les Kasaïens du Katanga ont heureusement été tempérées par le fait que Fatshi était l’allié d’un « Katangais », en l’occurrence l’ancien président Joseph Kabila. Pas pour longtemps, car lorsque Tshisekedi s’est débarrassé de son allié katangais, les menaces et les messages de haine contre les Kasaïens ont redoublé d’intensités. Les insultes deshumanisantes telles que « migrants », « chiens », « Bilulu », « Bivube » (insectes et têtards)… ont fait le buzz contre les Kasaïens dans les réseaux sociaux katangais.

« République du Katanga »

Dans leurs revendications politiques, les leaders katangais séparatistes, entre autres Daniel Ngoy Mulunda, Kyungu Gédéon et Christian Mwando Nsimba, n’ont cessé de brandir ce qu’ils appellent les « ciseaux », c’est-à-dire la sécession du grand Katanga. La référence aux « ciseaux » veut dire que tôt ou tard ils vont couper le Katanga du reste du tissu qu’est le Congo. Et ils utilisent cette menace comme monnaie de change pour faire valoir leurs revendications politiques.

Capture d’écran

A chacune de leurs menaces, des jeunes manipulés et drogués sortent dans la rue, brandissant un drapeau sécessionniste. Au vu et au su de tous, ils hissent régulièrement le drapeau de ce qu’ils appellent la « République du Katanga ». Ils en ont même une monnaie ! Le problème ce sont les leaders katangais qui sont à la fois manipulés et manipulateurs.

Ce qui étonne c’est l’indifférence du gouvernement de Kinshasa face à cette récréation qui met à mal l’unité du pays. Ce qui surprend également c’est le fait que les principaux leaders politiques katangais tels que Moïse Katumbi et Joseph Kabila, ne condamnent pas ouvertement ce genre d’illégalités. De quoi faire dire à certains qu’ils en seraient les tireurs de ficelles.

« Kasaïens rentrez chez vous ! »

Le 31 décembre 2023, le président Félix Tshisekedi a été déclaré élu pour un second mandat par la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Immédiatement, nouvelle levée de boucliers des Katangais contre les Kasaïens. Dans les réseaux sociaux, le mot d’ordre est de « chasser » ou de « tuer » les Kasaïens. Cette menace contre les Luba du Kasaï est permanente au Katanga. A la moindre étincelle, elle est mise en branle dans plusieurs contrées du Katanga.

En novembre 2023, peu avant le début de la campagne électorale, il a suffi de cette déclaration de Moïse Katumbi : « Les gens qui s’opposent à moi sont d’un seul village », pour déclencher des atrocités incroyables contre les Kasaïens en territoire de Malemba Nkulu dans la province du Haut-Lomami (grand Katanga). Il existe à ce sujet une plainte déposée contre Katumbi à la Cour de cassation pour incitation à la haine et à la violence ethnique.

Après la victoire de Félix Tshisekedi à l’élection présidentielle du 20 décembre, les réseaux sociaux katangais ont littéralement déclaré la guerre au Kasaïens vivant au Katanga.

Capture d’écran

Des jeunes et des enfants sont drogués et envoyés dans la rue avec des armes blanches pour s’en prendre aux Kasaïens et dire non à la victoire électorale de Félix Tshisekedi. Ils scandent des insultes, des messages de haine, et des slogans hostiles aux Kasaïens.

« Katanga ni yetu ! »

A Luena dans le Haut Lomami, les choses sont beaucoup plus concrètes : une vidéo devenue virale montre des familles kasaiennes chassées de leurs maisons avec femmes et enfants. L’ordre est : « Rentrez chez vous au Kasaï ! » Et le slogan c’est : « Katanga ni yetu ! » (Le Katanga aux Katangais).

Conduites manu militari à la gare ferroviaire de Luena pour les contraindre à prendre le train vers le Kasaï, ces familles auraient pu être massacrées n’eut été la présence des militaires FARDC en treillis et visibles dans la vidéo. Voici le témoignage d’un homme parmi les familles chassées de leurs domiciles par les Katangais à Luena : « Ils nous ont chassés de nos maisons disant : vous êtes des Kasaïens. Nous ne voulons plus vous voir ici. Ils m’ont sorti de la maison de force. Mais je leur ai dit : ne me sortez pas comme ça. Quand j’étais venu ici j’étais venu moi-même. Laissez-moi partir moi-même. […] Ils m’ont conduit jusqu’ici à la gare ferroviaire. Et là, j’ai trouvé beaucoup de personnes [des Kasaïens chassés] amassées ici. D’autres ont été frappés… On les amène de force pour les laisser ici. »

A la question de savoir pourquoi ils vous chassent, un autre répond : « Ils nous disaient : si c’est Félix Tshisekedi qui est réélu à l’élection présidentielle, nous allons vous frapper et vous renvoyer chez vous ! » La situation est telle qu’à Tenke en territoire de Lubudi, les Kasaïens se sont révoltés comme on peut le voir dans cette vidéo. De quoi s’interroger : que gagnent les Katangais avec cette haine tribale ?

D’éternels insatisfaits ?

A voir la manière dont certains Katangais revendiquent le pouvoir, on dirait que c’est eux seuls qui ont le droit de diriger le Congo. Ils ne sont jamais satisfaits. Or, avec ses 450 tribus, la RDC doit-elle être dirigée seulement par des Katangais ? D’autres provinces ne devraient-elles pas avoir aussi leur tour aux affaires ?

Pourquoi quand le président en fonction n’est pas Katangais, ils brandissent leurs « fameux ciseaux » ? Ils ont vite oublié qu’en dehors de la province de l’Equateur du maréchal Mobutu, l’autre province à avoir connu une longévité au pouvoir c’est le Katanga (22 ans au pouvoir) avec les Kabila père et fils. Pour certains Katangais, tant qu’un de leur n’est pas au pouvoir, c’est une raison de retrancher le Katanga du Congo.

Les Katangais marginalisés par le Kasaïen Tshisekedi ?

L’accusation de tribalisme et de marginalisation sous le règne de Félix Tshisekedi ne devait surtout pas venir des Katangais, au vu de la part belle que Fatshi leur a réservée dans son régime. Bien au contraire, l’espace grand Katanga est l’un des mieux représentés sous le règne de Félix Tshisekedi. Quelques exemples :

  • Le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde. Son prédécesseur direct, Ilunga Ilunkamba ;
  • Le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, monsieur Guylain Nyembo ;
  • François Kabulo ministre des Sports ;
  • Le regretté porte-parole de Félix Tshisekedi, le célèbre journaliste Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Yamba. Il est mort en fonction ;
  • Le chef d’État major des Forces armées de la RDC, le général Christian Tshiwewe nommé par Félix Tshisekedi ;
  • L’inspecteur général de la police, Patience Mushid Yav ;
  • L’ex ministre du Plan, Christian Mwando Nsimba. Il avait démissionné de lui-même pour suivre Moïse Katumbi dans l’opposition ;
  • Adèle Kahinda Mayina, ministre du Portefeuille ;
  • Le commandant 22e région militaire Eddy Kapend ;
  • Etc.

Avec autant de personnalités du grand Katanga nommées à des postes aussi stratégiques et de commandement, comment peut-on accuser Félix Tshisekedi d’exclusion des Katangais, au point de haïr à un tel degré les Kasaïens ? Les compatriotes de l’espace grand Katanga doivent revenir aux meilleurs sentiments. Le Congo a besoin de tous ses enfants, quelles que soient leurs ethnies.

ASH

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