Avec « Terre de Paix », le jeune Toyi Mirefu se bat contre les discours de haine dans le Kivu
Théodore Toyi Mirefu est un jeune activiste de paix, journaliste et consultant médias. Au sein de l’organisation Terre de Paix, il travaille aux côtés de plusieurs autres organisations dans la lutte contre les discours de haine et dans la consolidation de la paix dans la région des Grands Lacs.
Toyi Mirefu est économiste de formation. Dans cette interview, il nous parle de son combat contre les discours de haine dans le grand Kivu.
Jean-Hubert Bondo : Bonjour Toyi. En quelques mots, pouvez-vous nous parler de Terre de Paix ?
Théodore Toyi Mirefu : Terre de Paix est une organisation réunissant plusieurs acteurs ayant une grosse expérience dans le domaine humanitaire, de consolidation de la paix et dans la lutte contre les discours de haine. Au sein de Terre de paix, nous avons pour devise : « Construire une humanité cohésive.” Nous restons convaincus que la diversité c’est l’espoir de l’humanité.
Que fait exactement Terre de Paix en matière de lutte contre les discours de haine dans l’est de la RDC ?
Notre organisation travaille dans la cohésion sociale et communautaire. Avec l’approche holistique de lutte contre les discours de haine, nous menons des recherches sur les discours de haine, car nous en connaissons les conséquences sur la paix et le vivre-ensemble.
Ces recherches consistent à analyser les dicours haineux et les contextes dans lesquels ils ont été employés. Nous analysons aussi le comportement des auteurs de ces discours, en essayant de déterminer l’ampleur de tels discours sur notre société en ligne et hors ligne. Nous tenons compte de l’intention avec laquelle l’auteur du discours de haine le prononce.
Grâce à l’appui de l’ONG américaine PeaceTechLab, notre travail a été beaucoup plus remarquable et a produit un grand impact dans notre pays la RDC, surtout dans la partie Est. Nous avons réussi à produire un lexique de termes haineux (en anglais : Lexicon of Hate Speech terms). Ce lexique décrit les termes haineux disséminés partout dans le pays. Il donne le contexte dans lequel le terme est employé et décrit ses auteurs en montrant l’ampleur des discours de haine.
En effet, ce lexique est un moyen de démontrer comment de tels discours poussent à des conflits violents dans une region cosmopolite de l’est de la RDC où vivent ethnies et tribus diverses.
Nous développons aussi le programme « Art arme de paix » pour promouvoir la paix à travers les talents culturels et artistiques des jeunes. Il y a d’autres programmes tels que « Ça nous nous concerne », « Pépinière de Paix »…. Bref, au sein de Terre de Paix, nous donnons une large place à la promotion de la paix.
Quels sont les types de discours de haine que vous rencontrez dans votre milieu, et que faites-vous pour les contrecarrer ?
Dans la région où nous travaillons depuis plusieurs années, nous rencontrons plusieurs types de dicours de haine : les uns sont à caractère dicriminatoire, les autres incitent à la révolte ou à la division entre les ethnies. Ces discours sont employés soit par des personnes d’une communauté à l’égard d’une autre, soit par des personnalités ou des leaders d’opinons (ceux que nous appelons des ‘hauts diseurs”) qui peuvent influencer les gens à adopter un comportement ou à commettre un acte de violence ou d’exclusion envers un groupe de personnes.
D’après votre observation, qui sont les victimes de discours de haine dans l’est du pays ?
En fait, tout le monde peut être victime de discours de haine. Lorsque le discours vise une personne ou un groupe de personnes avec l’intention de semer la division, de discriminer, de créer la haine ou d’inciter à la violence, et que les mots prononcés sont d’une ampleur telle qu’ils peuvent embraser tout un groupe, c’est un discours de haine. Et les victimes sont le plus souvent des personnes issues des communautés ou catégories marginalisées (minorité ethnique) sur la base de leur appartenannce tribale, ethnique, linguistique ou de leurs origines.
En RDC, surtout dans l’est du pays, nous avons une multitude de communautés, d’ethnies et de personnes à morphologies diverses. Ces discours de haine ciblent beaucoup plus les personnes dites à “nationalité douteuse”. On entend par là les personnes dont la nationalité ne fait pas l’unanimité. Certains déplacés, réfugiés et personnes à risque font partie des visctimes de discours de haine.
La situation de guerre et d’insécurité amplifie-t-elle les discours de haine ?
Effectivement la situation de guerre que nous vivons depuis plusieurs decencies a affecté le vivre-ensemble et amplifié les discours de haine. On ne cesse de connaitre la guerre et les aggressons par les Etats voisins dans la region. Ceci a pour conséquences de diviser les communautés, générer des discriminations et des discours de haine contre des personnes issues des pays dits aggresseurs.
Raison pour laquelle, nous travaillons beauccoup plus sur la consolidation de la paix. Notre diversité ethnique devrait être une force et non une raison de nous diviser et de nous faire la guerre.
Terre de Paix travaille seule ou en synergie avec des partenaires ?
Nous travaillons avec d’autres organisations qui nous accompagnent dans cette noble mission de maintien de la cohésion sociale et de consolidation de la paix. Leur apport est très remarquable, à en juger par l’impact que cela produit pour nous et pour les communauatés dans la régions des grands Lacs. Comme je l’ai dit, PeaceTechLab est un partenare avec lequel nous mettons en oeuvre un vaste programme Countering Hate Action Network (CHAN). Aujourd’hui, nous sommes à la deuxième phase du CHAN Training of Trainers Program.
Pour lutter contre les conflits violents, nous travaillons aussi avec des partenaires come Fupadeco, Radio La Benevolencija ainsi que d’autres partenaires de Peace Direct, tels que NPCYP et Bureau de soutien.
Votre travail a-t-il un impact ? Comment les communautés locales perçoivent-elles votre travail ?
Nous avons réussi à former des journalistes et des bloggueurs des provinces du Sud et du Nord-Kivu sur les dangers des discours de haine et comment les éviter sur les réseaux sociaux. Avec cette série de formations, nous avons obtenu de nos parties prenantes la décision ferme de lutter contre les discours de haine en signant un acte d’engagement sur le non-recours aux discours de haine dans leur travail de chaque jour.
Quel message avez-vous pour ceux qui propagent les discours de haine ?
Le message c’est d’abord encourager tout le monde qui intervient dans ce domaine de lutte contre les discours de haine. Le travail est énorme et nous ne devons pas baisser les bras. Ceux qui propagent les discours de haine doivent cesser.
Nous encourageons aussi Africa Sans Haine à continuer ce bon travail. Moi-même en tant que professionnel des médias, je pense que cette génératin d’acteurs de changement doit garder confiance et ne jamais baisser les bras.
Jean-Hubert Bondo